Portrait de vigneron : David Arnaud

Anne Lataillade, célèbre blogueuse de Papilles et Pupilles, nous emmène à la rencontre de David Arnaud du Château Tour des Graves. Son Bordeaux rosé est l’un de nos Oscars de l’été 2020.

 

C’est avec grand plaisir que je suis allée rencontrer David Arnaud à Teulliac, dans le Nord Gironde.

David Arnaud ©Anne Lataillade

Installé depuis janvier 2009, il doit son héritage familial à un coup du destin. En effet, bien que son arrière-grand-père travaillât déjà ici, son grand-père, son père et son oncle avaient fait le choix d’être boulangers. Mais voilà, un accident et la boulangerie brûle. Reconstruire ou repartir à la vigne, that is the question. Et finalement c’est le vin qui l’emporte.

Bonjour David, était-ce pour vous une évidence de reprendre la propriété familiale ?

Oui, je pense que dès que j’ai su marcher, j’ai suivi mon père dans les vignes. Je ne me suis jamais posé la question de ce que j’allais faire plus tard. Pour pouvoir bien gérer la propriété, j’ai suivi un cursus à la fois technique (La Tour Blanche, à Sauternes) et commercial (école de commerce). J’ai commencé ma carrière dans la Vallée du Rhône avant de revenir en Gironde quand mes parents ont souhaité prendre leur retraite.

Qu’est ce qui a changé depuis votre arrivée ?

Plusieurs choses. J’ai pu agrandir la propriété qui est passée de 20 à 30 hectares. Ensuite, j’ai changé les circuits de distribution. Du temps de mes parents, c’était le grand boum de la vente directe et ils commercialisaient beaucoup auprès d’une clientèle de passage (nous sommes ici sur un grand axe routier). Quand j’ai repris, cette clientèle s’essoufflait, vieillissait. J’ai donc mis en place une nouvelle dynamique en incluant un peu de marketing. J’ai travaillé avec les cavistes, sorti des nouveaux produits, élargi les gammes, changé des packagings, les profils aromatiques etc. Et puis surtout, je suis passé d’une viticulture conventionnelle à une viticulture biologique.

Cela a été un chantier que vous avez mené dès votre arrivée ?

J’aurais bien voulu mais j’ai repris en janvier et en mai de la même année, le vignoble a été détruit à 90% par la grêle. Il m’a fallu quelques années pour pouvoir relancer ce projet. Je devais aussi stabiliser mon réseau de distribution pour avoir une vue plus sereine sur l’avenir. J’ai réussi à entamer ma conversion et la vendange 2021 sera entièrement bio.

Dans les vignes ©Anne Lataillade

Est-il difficile de changer sa façon de travailler ?

Oui, car nous n’avons pas de recul. J’essaie de me faire suivre par des techniciens qui aident d’autres vignerons bio. J’échange avec mes collègues car le terrain est la meilleure des expériences. Et puis, j’apprends de mes erreurs. Mais cela ne se fait pas en un jour. J’ai commencé par retravailler les sols. Comme nous n’avons jamais été de gros consommateurs de produits chimiques, la transition n’a pas été trop brutale. Le plus difficile est de travailler le dessous de rang des vignes les plus anciennes. Habituées à un mode de culture, il faut qu’elles comprennent que cela ne fonctionne plus comme avant. Ce qui est intéressant c’est que l’on réapprend notre métier. On analyse à nouveau les sols, on les travaille différemment, on réfléchit davantage. Mais il faut beaucoup de courage et de convictions. Cette année 2020 par exemple a été très difficile et il me tarde les vendanges.

Est-ce que la conversion bio va changer le prix de vos vins ?

Oui, car la production biologique entraîne des surcoûts : j’ai dû acheter un nouveau tracteur, embaucher un ouvrier, acquérir du matériel de culture. Ce sont des investissements assez lourds. Ajoutez à cela une récolte forcément plus faible et vous comprendrez que le prix à la sortie ne peut être que plus élevé. Comme j’ai de très bonnes relations avec mes distributeurs, on lisse cette hausse de prix sur plusieurs années pour ne pas avoir à augmenter de 30% d’un coup.

Que pouvez-vous me dire de votre rosé primé ? 
Il est le résultat d’un mélange de méthode Provençale et de méthode Bordelaise. D’un côté, j’ai pressé les raisins rouges directement pour obtenir un rosé léger, fin aromatiquement et de l’autre côté, j’ai fait un rosé de saignée donnant un résultat plus gras, plus charnu, ayant plus de fruits. Et j’ai mélangé les deux. J’ai également utilisé 2 cépages, du Cabernet Franc et du Merlot.

Quelle est sa température idéale de dégustation ?

Un rosé se boit frais, entre 6 et 8°C.

Quel accord met vin pouvez-vous recommander ?

L’avantage de ce rosé c’est qu’il peut aller avec plein de choses différentes : poissons, sushis, grillades, salades, tartes, quiches … Il est un peu tout terrain. L’hiver, avec une pizza, cela fonctionne aussi très bien.

Château Tour des Graves ©Anne Lataillade 2020

Quel est votre meilleur souvenir lié au vin ?

Il y en a beaucoup. Mais ce que j’aime particulièrement dans mon métier, c’est aller travailler dans les vignes, très tôt le matin en été. Je suis dans mon tracteur, j’assiste au lever de soleil, il y a des papillons, une biche… Ce sont des moments simples mais où je me sens vraiment bien dans ce que je fais.

Comment envisagez-vous le Bordeaux de demain ?
Bordeaux doit se réinventer. Nous ne devons pas tirer un trait sur le passé mais il faut évoluer. Les attentes des consommateurs sont différentes. Il faut juste emmener un côté plus sexy à nos vins, rajeunir l’âge de nos clients car Bordeaux ne fait plus vibrer les jeunes générations. Cela passe par la technique viticole (plus de bio), par le contenu de la bouteille (vins à boire plus rapidement, plus fruités, plus ronds, plus gourmands), par le packaging etc. Il est vital de changer notre image et de casser les codes et ce, à tous les niveaux de la filière. Et il est pour moi impératif que la communication soit basée sur le nom Bordeaux. Que l’on soit dans le Médoc, à St-Emilion ou à Sauternes, nous sommes tous des Bordeaux.

Merci David, quelques questions plus personnelles :

Êtes -vous plutôt ….

Vin rouge ou vin blanc ?

Plutôt blanc l’été et rouge l’hiver.

Clairet ou rosé ?

Rosé, je ne suis pas fan du clairet.

Bouchons en liège ou bouchons à vis ? 

Techniquement je serai plutôt pour le bouchon à vis qui est idéal pour les blancs et les rosés en termes de conservation. Mais commercialement je suis plutôt liège.

Bouteilles ou bib ?

Bouteilles. Même si je fais beaucoup de bibs. Leur demande est en hausse dans les circuits traditionnels.

UBB ou Girondin ?

Historiquement plutôt Girondin mais plus cela va et plus je suis UBB.

Arcachon ou Ferret ?

Plutôt San Sebastian. J’adore le pays Basque et les tapas.

Philippe Etchebest ou Gordon Ramsay ?

Je ne suis allé que chez Philippe Etchebest. Ici nous avons deux restaurants très sympathiques : Le Café de la Gare à Saint André de Cubzac et les Quatre Baigneurs à Bourg sur Gironde. Ce sont des jeunes dynamiques qui mettent les vins en avant et jouent le jeu du territoire. Cela donne encore plus envie d’aller chez eux.

Twitter ou Facebook ?

Historiquement Facebook mais de plus en plus Twitter. La communication sur les réseaux sociaux est ma faiblesse actuelle. C’est mon challenge de demain.

 

Château Tour des Graves

100 Avenue de Royan – 33 710 Teuillac
• Un site web : www.tourdesgraves.fr
• Une page Facebook : @tourdesgraves
• Un compte Instagram : @chateautourdesgraves